Gérard Pouyet et ses pendules : l’horlogerie en héritage
Quand nous parlons d’horlogerie, nos regards se tournent automatiquement vers la Suisse. Pourtant, historiquement parlant, la Suisse a plus été une terre d’accueil pour horlogers Français et européens, qui en ont fait, au fil des années, le centre névralgique de cet artisanat (Breguet, les Berthoud, huyghens).
La France a toujours été une terre de traditions horlogères, c’est donc un horloger français discret, créateur de fabuleuses pendules que je vais vous présenter dans cet article. Je développerai plus particulièrement sur sa dernière création, « Celeste », une pendule astronomique à quantième perpétuel incroyable.
Originaire de Cluses, capitale française du décolletage et de la micromécanique, ancien bassin prospère de la sous-traitance horlogère.
Gérard a été bercé au son du tic-tac, fils de Robert Pouyet, ancien élève de la fameuse Ecole d’Horlogerie de Cluses de 1930 à 1934, il deviendra professeur d’horlogerie dans cette même école de 1949 à 1981. Son papa a marqué des générations d’horlogers par sa rigueur, l’amour du métier et la passion de la transmission. Sa passion ne se limitait pas à la transmission de son savoir mais il était aussi un créateur de régulateurs, de pendules et aussi de calibres compliqués pour montres bracelets.
Forcément, Gérard Pouyet en garda des séquelles, il rentrera à l’Ecole d’Horlogerie de Cluses en 1966 puis à l’école d’Horlogerie de Genève jusqu’en 1971. Il sortit Major de Promotion, ce qui à l’époque n’était pas courant pour un français dans une école Suisse, assortit du Prix Hans Wildsorf entre autres distinctions.
Plus que doué et amoureux de son métier, Gérard a eu beaucoup de propositions de grandes manufactures Suisses, mais il les refusa, peu enclin à travailler sur du quartz qui rappelons-le, à l’époque, était devenu la norme.
Il préféra monter son petit atelier de réparations à Cluses ou de 1972 à 1978, il travailla comme horloger réparateur pour les boutiques de la vallée de l’Arve. Gagnant assez mal sa vie, il décida d’ouvrir sa propre boutique de bijouterie et d’horlogerie à Cluses où jusqu’en 2015, il passa de la vente de bijoux et de montres à la réparation, restauration et entretien d’horloges, de pendules et de montres mécaniques à complications dans son atelier fourni situé a l’arrière de sa boutique.
La gestion de son commerce et son activité de réparation lui laissent peu de temps pour exprimer sa créativité à travers pendules et horloges qui le passionnent. Mais pour le passage à l’an 2000, il crée sa première grande réalisation : La 2000 (ci-dessous).
Une superbe horloge aux lignes résolument modernes et à la construction novatrice. Faite d’acier et de laiton comme pour rappeler ses origines Clusiennes, il laisse toute la place au mécanisme entièrement visible à travers un cadran transparent. Une petite merveille qui donne tout de suite le ton concernant la créativité et aussi la maîtrise technique du personnage.
Pas de poids oscillant comme système de régulation mais un poids qui roule sur le support de la pendule comme sur un rail, guidé par 8 roulements à billes. Il tire un rouage d’horloge Comtoise qui fait balancer grâce à l’échappement, l’ensemble cadran, tige de balancier et globe terrestre. Le balancement de l’ensemble mène une ancre actionnée par une couronne suspendue, qui fait tourner la roue d’échappement et le rouage pour indiquer l’heure.
Difficile de trouver une filiation direct entre La 2000 et Céleste, la dernière création de Gérard. Le style change du tout au tout sauf peut être la place centrale donné à la mécanique, sur l’une comme sur l’autre tous les rouages, les cames et les engrenages sont visibles. Ce qui permet de pouvoir admirer chaque impulsion donnée, de voir les rouages se déplacer et finalement nous indiquer l’heure mais aussi, bien d’autres indications.
La première fois que j’ai vu sa dernière réalisation en photo, j’ai directement été séduit par cette pendule. Pourtant, jusqu’à présent du moins, c’était un domaine de l’horlogerie qui me laissait plutôt indiffèrent.
Derrière un look Art Déco (voulu au départ par son créateur) se cache une réalisation ultra contemporaine, aussi bien du côté de la construction que du côté des matériaux et des couleurs utilisés. Un coup de jeune plus que réussi donné à la traditionnelle pendule astronomique.
Ce qui frappe en premier, c’est la taille imposante de la bête, n’ayant vu que quelques photos sans échelle, je m’attendais à une pendule de table …
Raté, « Céleste » mesure 190cm x 113cm, un petit monument qui en impose.
La base est entièrement noir mat ce qui fait ressortir les compteurs et autres disques couleur laiton avec le parti pris plutôt osé d’utiliser des diodes violettes pour faire ressortir l’ensemble. Personnellement je trouve que l’harmonie de cette pièce est magique. L’ensemble des mécanismes est visible grâce à l’utilisation d’Altuglas (une sorte de plexiglas) teinté en bleu en guise de cadran.
La phase de lune en 3 dimensions avec le mécanisme apparent est du plus bel effet. La lune a été peinte à la main par Laurence, la femme de Gérard, tout comme le planisphère indiquant les heures du levé et couché du soleil.
Le mécanisme du quantième perpétuel a été imaginé, puis tracé, scié, limé et taillé par Gérard (laiton et acier).
Deux énormes « cadrans » : le planétaire et les heures du monde, une série de cadrans asymétriques horizontaux, une phase de lune en 3D, tout ce petit monde entièrement transparent pour laisser une grande place au mécanisme, définitivement une construction originale et novatrice qui interpellerait les plus sceptiques.
Cette pendule est une pendule électro-mécanique, le mouvement est un mouvement de pendule mère Brillié à impulsions demi minutes inversés.
Ce mouvement pilote quatre réceptrices :
- Une pour l’entrainement des phases de la lune
- Une pour l’heure de référence
- Une pour les heures de levé et couché du soleil
- Une pour le disque des 24 heures des heures du monde
L’horloge mère donne aussi une impulsion à minuit pour l’entrainement du quantième perpétuel et du planétaire.
Le planétaire entraine la roue centrale qui fait un tour en une année tropique, soit 365 jours, 5 heures, 48 minutes et 48 secondes. La terre est solidaire ainsi que la lune du pignon satellite de 57 dents qui tourne autour d’une couronne fixe de 705 dents afin de recréer le cycle lunaire avec précision. La lune tourne autour de la terre en une lunaison et l’ensemble terre lune autour du soleil en une année tropique dans les 12 constellations zodiacales suivant les saisons.
Concernant les phases de la lune, Gérard a voulu se rapprocher au maximum du cycle lunaire réel, le rouage a été taillé pour arriver à un cycle de 29 jours, 12 heures, 44 minutes et 2 secondes.
En périphérie de tout cela :
- L’heure solaire moyenne du méridien de Greenwich (heure de base),
- L’équation du temps : écart en minutes entre l’heure moyenne de Greenwich et l’heure vrai,
- Levé et couché du soleil en fonction des saisons sur la base de l’heure de Greenwich
- L’heure légale de Paris au centre avec un cercle intermédiaire qui fait un tour en 24 heures et indique sur la couronne extérieure l’heure universelle dans plusieurs villes du monde.
Moi qui n’est jamais été un grand fan de pendulerie, j’ai été forcé de me raviser. Beaucoup de créateurs indépendants comme Gérard font un travail remarquable, réinventant grâce a leur créativité et leur maîtrise technique, leur métier, créations après créations. Concernant Gérard, il nous promet une pendule par année donc nous attendons déjà la suite …
5 comments
Quoi dire…. si ce n’est que je suis extrêment fière de mon tonton….
C’est un vrai artiste dans son domaine, je trouve la réalisation magnifique. Je suis ébahi par la maitrise et le résultat final.Super design. Bravo encore, et à vous d’en parler.
Cordialement
Je découvre cet article mais les photos sont invisibles : problème sur votre serveur ?
Je découvre cet article mais les photos sont invisibles : problème sur votre serveur ?
Et oui, il faut que je replonge dans les méandres du serveur 😉